Le sport: une histoire d'hormones
Petit rappel de physiologie: extrait d'un article "Diabète & Sports : une histoire d'hormones", article que j'ai écrit pour une revue scientifique - Nutrition Endocrinologie N°spécial EASD, Sept 2014
La contraction musculaire est à la base de toute activité physique. C’est au niveau du muscle squelettique qu’a lieu la transformation de l’énergie biochimique en travail mécanique.
Objectif #1: produire de l'ATP
L’hydrolyse de l’ATP (adénosine triphosphate) est au cœur de cette transformation qui permet ainsi le mouvement. Présent en très faibles quantités dans le muscle, l’ATP doit être rapidement synthétisé lors d’un effort.
Trois filières énergétiques (en fonction du type d’exercice, de son intensité et de sa durée) existent pour synthétiser (fabriquer) l'ATP:
- La filière anaérobie alactique, mise en jeu pour des efforts intenses d’une durée inférieure à quelques dizaines de secondes (sprint)
- La filière anaérobie lactique (efforts intenses d’une durée supérieure à 15 secondes) utilise le glycogène musculaire avec production de lactate via la glycolyse anaérobie.
- La filière aérobie (efforts prolongés) représente le système le plus important de fourniture de l’ATP principalement à partir de l’oxydation des substrats glucidiques (glucose plasmatique, glycogène hépatique et musculaire) et lipidiques (acides gras libres plasmatiques, triglycérides intramusculaires).
La participation relative de l’un ou l’autre substrat dépend principalement de la puissance développée lors de l’effort : une puissance faible (50-60% VO2 max) utilise les réserves lipidiques, une puissance supérieure à 60% VO2 max privilégie les réserves glycolytiques.
Nos hormones : toujours dans le coup
L’adaptation du métabolisme énergétique est étroitement liée à l’adaptation de la régulation hormonale : la diminution de la glycémie lors de l’effort physique induit des mécanismes neuroendocriniens (=hormones). Alors que la production d’insuline chute dès le début de l’activité physique, celles des hormones hyperglycémiantes (catécholamines – adrénaline et noradrénaline, cortisol, hormone de croissance) augmentent. Ces variations hormonales, en contrôlant la lipolyse (=dégradation des lipides / acides gras), la glycogénolyse (=production de glucose à partir de glycogène - réserve de glucose dans les muscles et foie) et la néoglucogenèse (= production de glucose à partir de protéines - pour faire simple), favorisent une augmentation passagère de la glycémie et ce, même chez des sujets non diabétiques. Chez le diabétique de type1 (DT1), l’absence de production endogène d’insuline exacerbe cette hyperglycémie et souligne la difficulté d’adaptation énergétique à l’effort physique (défaillance de la boucle contrôle/rétrocontrôle).
Hypoglycémies et hyperglycémies peuvent donc survenir pendant et après une activité sportive chez le DT1. En effet, un effort physique en aérobie, même d’intensité modérée, est très souvent associé à une chute rapide de la glycémie pendant l’activité, augmentant le risque d’hypoglycémie. Une hypoglycémie plusieurs heures après l’effort peut également survenir ; d’où l’importance des contrôles glycémiques pendant les heures qui suivent l’effort.
Malgré ces risques d’hypoglycémies, une hyperglycémie peut être observée pendant la phase de récupération (3-6 h post exercice), on parle de « rebond glycémique ». Ce dernier n’existe que pour des activités en condition aérobie, et ce sans qu’il y ait de différence de consommation de glucides et/ou de doses d’insuline pendant cette phase de récupération.
En revanche, une activité physique en anaérobie (exercices de résistance) même de forte intensité, est associée à un meilleur équilibre glycémique pendant et après effort : moins d’hypoglycémies et absence du rebond glycémique.
Une amélioration de l’HbA1c des DT1 pratiquant régulièrement une séance d’exercices de résistance seule ou associée à une séance d’exercices en aérobie a également été mise en évidence. Ainsi, pratiquer une séance de musculation ou de sprint avant une séance de course à pied pourrait être une stratégie pour prévenir la chute de la glycémie pendant l’activité et réduire le rebond glycémique post-exercice (1). Les mécanismes ne sont pas clairement identifiés, mais il semble que l’origine de l’énergie produite pendant un effort aérobie vs anaérobie (non insulinodépendant) jouerait un rôle.
Trouver le bon équilibre entre performance, effort physique (type, durée, intensité), glycémies, doses d’insuline, quantités de glucides à consommer est un travail rigoureux où chaque expérience permet d’apprendre. Une équation complexe à plusieurs variables. Mais, c’est possible.
Comprendre comment fonctionne son corps et son diabète est primordiale afin d’anticiper au mieux l’effort physique pour réussir. Cette connaissance est étroitement liée aux nombreux contrôles glycémiques effectués. Les nouvelles technologies (telles que la Mesure de la Glycémie en Continu - CGM) sont une précieuse aide pour apprendre à se connaître, mais également anticiper les variations glycémiques (cf. flèches de tendance) et prévenir les hypoglycémies et/ou les hyperglycémies en ajustant les doses d’insuline et les quantités de glucides consommés, pendant et après l’activité physique.
Bibliographie
(1) Yardley et al., 2013. Resistance versus aerobic exercise: acute effects on glycemia in type 1 diabetes. Diabetes Care. 2013 Mar;36(3):537-42. doi: 10.2337/dc12-0963. Epub 2012 Nov 19