Trek, altitude et diabète
Trekker pour s'évader. Découvrir. Rencontrer. S'enrichir.
Aller plus loin, plus haut, plus longtemps.
Pourquoi notre diabète nous empêcherait-il de vivre nos projets, et réaliser certains de nos rêves même les plus fous ?
Se connaître est la clé de la réussite.
Y aller pas à pas, pour apprendre de chaque expérience.
Notre corps, notre diabète sont des "machines" complexes. Les caractéristiques du trek (durée, intensité, altitude, conditions météo), l'alimentation disponible, notre condition physique et morale ont tous une influence sur notre équilibre glycémique.
Extrait d'un article "Sports & Diabète : une histoire d'hormones", article que j'ai écris pour la revue "Nutrition Endocrinologie" - N° spécial EASD, sept 2014
De plus en plus de diabétiques de type1 (DT1) se lancent dans des treks en haute altitude, avec parfois à la clé un sommet. Mais, les conditions spécifiques en haute altitude (>3000 m) font de la haute montagne un environnement hostile pour l’Homme. Les températures extrêmes en altitude, que le vent ne fait qu’amplifier, sont associées à une pression atmosphérique diminuée, responsable de la chute de la pression partielle en O2 de l’air inspiré. L’altitude est ainsi liée à une diminution de la pression artérielle en O2.
L’'acclimatation à la haute montagne fait ainsi référence aux processus physiologiques réactionnels à cette exposition prolongée à l'hypoxie (= moins d'oxygène), adaptations impératives pour le corps humain.
- L'hypoxie s’accompagne d'une hyperventilation avec hypocapnie et alcalose respiratoire, associée à une élimination urinaire accrue des bicarbonates. Le pouvoir tampon du sang diminué, favorise une décompensation plus rapide vers l’acidocétose chez un sujet diabétique qui serait mal équilibré.
- L’hypoxie modifie également la concentration de certaines hormones. La libération de catécholamines (adrénaline et noradrénaline) s’accompagne d’une production hépatique de glucose alors que la sécrétion de cortisol est responsable d'une insulino-résistance. L’altitude perturbe donc l’équilibre glycémique vers l’hyperglycémie. Chez un DT1, l’absence d’insuline endogène ne permet pas à la boucle de contrôle/rétrocontrôle de fonctionner correctement.
Le risque d’hyperglycémie et d’acidocétose est plus important que celui d’hypoglycémie. D’où l’importance des contrôles glycémiques réguliers afin d’ajuster les doses d’insuline qui en altitude seront généralement augmentées, et ce, même si l’effort est intense et les apports énergétiques faibles(3).
Enfin, la haute altitude est synonyme parfois de mal aigu des montagnes (MAM) qui résulte de l'altération du flux sanguin cérébral lié à l'hypoxie et aux modifications ventilatoires. Les symptômes sont peu spécifiques (céphalées plus ou moins intenses, troubles gastro-intestinaux, vertiges…) mais les formes les plus sévères (œdèmes pulmonaire et cérébral) doivent alertés. Les DT1 ne semblent pas être plus affectés : l’acclimatation à l’altitude étant en grande partie déterminée génétiquement. Mais, les symptômes d'hypoglycémie peuvent parfois être confondus avec ceux du MAM. De nombreuses questions se posent, néanmoins, autour du Diamox® (acétazolamide) utilisé en prévention/traitement du MAM, qui en accentuant l’excrétion rénale des bicarbonates augmente le risque de décompensation acidocétosique.
[NB: pour l'ascension du Kilimandjaro, toute l'équipe s'est vu conseillée de prendre du Diamox® ; 2 personnes sur les 12 DT1 n'ont pas souhaité en prendre. Une s'est arrêtée à 5400 m ; l'autre était au sommet avec le reste de l'équipe].
A ce jour, aucune contre-indication stricte n’est émise concernant le séjour en haute montagne pour des diabétiques de type 1 indemnes de toute complication.
Toutefois, l'exercice physique au sein d'un tel milieu peut être à l'origine de problématiques spécifiques qui doivent être connues et appréhendées par le DT1 afin de préparer au mieux son séjour et d’anticiper les complications potentielles. De nombreux contrôles glycémiques sont nécessaires tout au long du trek et de l’ascension afin d’ajuster les doses d’insuline.
Le diabétique veillera également à la conservation de son insuline, qui en haute altitude peut subir de nombreuses variations thermiques (températures diurnes vs nocturnes et températures négatives à partir de certaines altitudes) la rendant progressivement inactive. Tout comme son resucrage, son eau et ses appareils glycémiques, l’insuline sera conservée le plus proche du corps afin de minimiser les chocs thermiques et le gel.
Par ailleurs, les appareils glycémiques semblant parfois sous ou surestimer les résultats, il est nécessaire d’en avoir deux différents ainsi que des bandelettes à lecture visuelle. Ceux qui utilisent la glucose déshydrogénase seraient plus fiables que ceux utilisant la glucose oxydase. A cela vient s’ajouter la polyglobulie d’altitude, bénéfique pour le transport de l’oxygène, mais qui peut minorer les résultats de glycémie capillaire.
L’absence de production d’insuline endogène accroît le challenge pour le sportif diabétique de type1. Mais, l’observance au quotidien et lors d’activités physiques est la clé pour que la personne DT1 vive pleinement ses activités physiques, parfois extrêmes.
Bibliographie
(1) Yardley et al., 2013. Resistance versus aerobic exercise: acute effects on glycemia in type 1 diabetes. Diabetes Care. 2013 Mar;36(3):537-42. doi: 10.2337/dc12-0963. Epub 2012 Nov 19
(2) Galassetti et al., 2013 - Exercise and type 1 diabetes (T1DM). Compr Physiol. 2013 Jul;3(3):1309-36. doi: 10.1002/cphy.c110040.
(3) De Mol et al., 2014 – Physical activity at altitude: challenges for people with diabetes: a review. Diabetes Care. 2014 Aug;37(8):2404-13. doi: 10.2337/dc13-2302.